MA DÉPORTATION EN ALLEMAGNE

MON ARRESTATION EN BELGIQUE

Le Général Von Falkenhausen

Le 06 mars 1942, le Général Von Falkenhausen prit une ordonnance en vue d'assurer la réquisition des ouvriers pour travailler sur le territoire du Reich, cette ordonnance dans un premier temps visait tant les chômeurs que les travailleurs déjà embauchés, ils pouvaient être appelés à titre de service de travail obligatoire pour l'exécution de certains travaux.

La presse collaboratrice chercha à présenter cette décision très mal perçue par l'opinion publique qui n'avait pas oublié la déportation obligatoire en Allemagne décrétée en 1917 comme une mesure qui s'appliquait essentiellement aux nombreuses personnes vivant du marché noir et qu'il était impossible de punir de peines de prison faute de place.

Les secrétaires généraux qui représentaient l'administration belge compromise avec l'ennemi protestèrent auprès des autorités militaires, elles s'engagèrent à n'user que modérément des pouvoirs que leur conférait l'ordonnance du 6 mars.

Six mois plus tard, les mesures prisent par l'autorité militaire Allemande se durcirent, les hommes célibataires ou non, de 18 à 50 ans et les femmes célibataires de 21 à 35 ans pouvaient pour des travaux ciblés, être envoyés dans les territoires du Reich.

C'était l'instauration de la déportation des travailleurs, les “kommandanturs” déterminèrent les travaux à exécuter et les personnes qui y étaient astreintes.

Le problème majeur des Allemands était de renforcer leur potentiel de guerre, en septembre 1943, ils décidèrent de limiter l'obligation de travail dans le Reich aux jeunes Belges nés entre 1920 et 1921. un certain nombre d'exemptions furent prévue pour les ecclésiastiques, les mineurs, les gendarmes, les policiers et les étudiants.

Par la suite, les jeunes nés en 1922,1923 et 1924 furent appelés à la Werbestelle (bureau de recrutement local) qui leur délivrait un certificat d'exemption ou les envoyait au travail, pour le dernier trimestre de 1942, cinquante mille Belges furent recrutés pour travailler au bénéfice du Reich, le nombre ne cessa de croître.

Refuser de partir, c'était s'exposer à des représailles et la répression mise en place par les Allemands fut féroce, un moyen radical utilisé dans la lutte contre les réfractaires fut la suppression pure et simple des timbres de ravitaillement qui leur étaient alloués.

Les membres de la famille du réfractaire pouvaient être mis au travail obligatoire en cas de désobéissance et ceux qui apportaient leur aide aux réfractaires étaient également poursuivis, l'autorité militaire allemande conseilla à la Werbestelle de porter l'affaire devant les conseils de guerre, et ce, afin d'intimider la population.

C'est dans ce climat particulièrement difficile que je reçus ma lettre de convocation par la Werbestelle datée du 22 mai 1943, je n'ai pas répondu à cette convocation et à partir de ce moment là, je suis rentré de plain-pied dans la clandestinité, dans ces moments difficiles je n'ai pas trouvé une personne qui aurait pût me cacher.

Je reçus rapidement une deuxième lettre de convocation suivie peu de temps après par une troisième de la police allemande, j'ai finalement été arrêté à mon domicile le 24 juin 1943 et conduit en automobile à la Werbestelle, le jour même je me suis retrouvé à la gare de Schaerbeeck.

MA DÉPORTATION ET MON PREMIER CAMP

Le train était composé de plusieurs wagons fermés sous la surveillance de sentinelles lourdement armées, en fin de soirée, le convoi traversa Aix-la-Chapelle et c'est finalement après une journée et une nuit de voyage que le train s'est arrêté dans un camp de triage à Rehbrücke près de Berlin.

Ce voyage a été particulièrement éprouvant en raison de la promiscuité, de l'impression d'étouffement, de la peur de l'inconnu et surtout nous n'avions pas reçu de nourriture ni une quelconque boisson pendant le voyage, le camp de triage de Rehbrücke était composé de baraquements en bois, nous y logions les uns sur les autres, les lits étaient superposés, sans matelas ni couvertures, ces chambrées étaient toujours bondées.

Le confort était inexistant et l'hygiène déplorable, la nourriture était essentiellement composée d'une soupe de choux très liquide où de rares légumes “ flottaient ” à la surface, cette soupe était accompagnée de deux tranches de pain non beurrées.

MON DEUXIÈME CAMP DE TRAVAIL

Askania Werke A.G

Cette usine avait pour nom “Askania-Werke AG” (Berlin-Mariendorf), on nous distribua une plaquette de forme ovale en métal avec comme inscription la lettre “A” pour “Ausland” (étranger), pour les Russes “Ost” (est) et pour les Polonais la lettre “P”.

Notre lager (camp) se trouvait dans la cour de l'usine et il était composé de baraquements en bois, à deux cents mètres environ se trouvaient deux réservoirs de gaz de ville.

Notre nourriture était de meilleure qualité en comparaison avec celle que nous avions reçue dans le camp de triage, mais malgré tout très insuffisante en quantité principalement.

Nos dortoirs étaient réduits au minimum de confort composé de lits superposés en bois avec en guise de matelas, une toile de jute rembourrée sommairement avec de la paille, pour nous protéger du froid, nous n'avions qu'une fine couverture en coton et naturellement pas d'oreiller.

Le camp était surveillé en permanence par des gardes allemands armés en uniforme, ces uniformes étaient fournis par l'usine elle-même, les responsables distribuèrent le travail à chacun, je reçus comme travail le poste de grutier dans un atelier de production de périscope pour les sous-marins.

Le travail était la préoccupation première dans cette firme et les déportés travaillaient environ douze heures par jour dans des conditions très pénibles et en ce qui concerne les équipes de nuit, elles étaient logées à la même enseigne.

Dans la nuit du 23 au 24 août 1943, l'usine a été la cible d'un bombardement de l'aviation alliée, il y eut de nombreux morts aussi bien dans l'usine que dans les alentours immédiats avec pour conséquence l'anéantissement de l'outil de production.

MON TROISIÈME CAMP DE TRAVAIL

Gemeinschaftslager 5 Berlin-Johannisthal Sterndamm Ecke Könlgsheldeweg

En raison de l'anéantissement de l'outil, nous avons été déplacés dans un autre camp de travail à Berlin-Johannisthal.

Il avait pour nom “Gemeinschaftslager 5”, comme la ville de Berlin était proche, notre nouveau camp a subi le même sort que le précédent, il a lui aussi été bombardé et détruit complètement.

MON QUATRIÈME CAMP DE TRAVAIL

Askania-Werke Weissensee

On nous redirigea vers une autre usine de production de guerre à l'est de Berlin, cette usine avait pour nom “Askania-Werke” située à Weissensee, c'était une usine de production pour l'aviation et pour la fabrication des nouvelles armes secrètes, les fusées principalement.

Lors de mon arrivée dans le camp, je fus mis en présence d'un agent du personnel de l'usine afin qu'il puisse déterminer mes aptitudes et mes connaissances particulières dans le travail.

Comme je ne maîtrisais pas encore bien la langue allemande et lorsqu'il me demanda à quelle profession j'appartenais, je lui ai indiqué à l'aide de mon doigt, ma montre, il me catalogua comme horloger, je pris soin de ne pas démentir, mon véritable métier était en fait la maroquinerie en bijouterie.

Je reçus comme travail le contrôle et la conformité de la production des pièces prête à être emballées, nous étions cette fois-ci en dehors de l'usine et dans un immense camp, il était divisé en trois parties distinctes, une partie pour les déportés, une autre pour les soldats italiens du général Badoglio, prisonniers eux aussi et une troisième partie pour les prisonniers russes.

Dans la partie du camp réservé aux déportés, j'ai fait la connaissance d'un compatriote qui habitait le même quartier que mes parents, grâce à lui, j'ai appris que notre habitation avait subi de lourds dommages en raison d'un bombardement sur la ville de Bruxelles, il me rassura et il me précisa que mes parents avaient déménagé dans la commune d'Anderlecht.

LES BOMBARDEMENTS ET LES ABRIS

Bunker dans la ville de Berlin

Les bombardements de l'aviation alliée sur le camp et les environs étaient très nombreux et incessants, occasionnant de nombreux dégâts dans et aux alentours immédiats de l'usine.

Les Italiens ont payé un lourd tribut lors de ces attaques, à partir du 23 août 1943, la ville de Berlin fut le théâtre de violents bombardements nocturnes et répétés, car en cette période, la “flag”allemande était particulièrement redoutable et redoutée par l'aviation alliée.

L'aviation alliée opérait ces bombardements par vagues successives, la durée moyenne pour le largage des bombes était d'une heure trente minutes environ, les déportés n'avaient évidemment pas le droit de s'abriter, la ville de Berlin comptait pas mal d'abris bétonnés de grandes capacités, mais ils étaient réservés exclusivement à la population berlinoise.

Pour nous, les déportés, une simple tranchée boueuse et très étroite entre les baraquements, elle était recouverte d'une mince tôle ondulée, cinquante centimètres de terre recouvraient l'ensemble, cette “protection” était parfaitement illusoire, juste suffisante pour les bombardements au phosphore, c'était notre seule protection contre les bombardements.

La plupart du temps, le fond de cette tranchée était rempli d'eau de sorte que nos pieds étaient en permanence mouillés, ces conditions de vie surtout en hiver étaient particulièrement insupportables et de nombreux déportés y ont laissé leurs vies.

Par la suite, une partie des déportés ont été une nouvelle fois déplacée pour une mystérieuse destination où bien entendu la discrétion était de mise (la mine Marie).

MON CINQUIÈME CAMP DE TRAVAIL

Le camp de concentration de Helmstedt-Beendorf A3 "La mine Marie"










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