LA MINE MARIE
LE CAMP DE CONCENTRATION DE HELMSTEDT-BEENDORF A3 LA MINE MARIE
Le camp était divisé en deux parties et dans deux sites distincts, la mine Marie était installée sur la commune de Beendorf et la mine Bartensleben était installée sur la commune de Morsleben.
C'était en fait deux mines d'extraction de sel et de minéraux, ces sites avaient été choisis par une commission pour la protection des usines de productions d'armes de guerre et ils permettaient de les protéger des bombardements de l'aviation alliés.
La mine Marie servait aussi de stockage pour les munitions de l'armée de l'air et dans le même temps à la production de sel et de minéraux.
Les Allemands avaient décidé la construction d'immenses abris bétonnés en surface, car la production souterraine exigeait une sécurité accrue, les munitions ont donc été transférées dans ces bunkers, les déportés logeaient dans des bâtiments en béton existant et appartenant à la mine.
LE LOGEMENTS DES MUNITIONS DANS LA MINE
Avant leurs déplacements, les munitions étaient logées dans des petites chambres individuelles représentées sur le plan par des petits carrés.
On se rend vite compte du danger que pouvait représenter un stockage massif de munitions dans un environnement confiné au fond d'une mine.
LA PRÉSENCE IMPORTANTE DE FEMME DANS LE CAMP
Il y avait dans le camp environ deux mille personnes avec deux tiers de femmes de différentes nationalités, juives, polonaises, françaises, hongroises et allemandes, une partie de ces femmes venait soit du camp de concentration de Ravensbrück, Neuengamme, Sachsenhausen, Auschwitz ou de Varsovie.
LE LOGEMENT DES DÉPORTES
Dans les abris bétonnés en surface, il n'y avait pas de système de ventilation et de ce fait il y régnait une grande humidité.
Nous dormions toujours sur des lits dont la paille était humide, les gardes SS étaient logées dans des baraquements en bois et à proximité d'un mirador qui protégeait l'entrée du camp.
Le camp était divisé en zone et une fine cloison de bois séparait les déportés politiques des autres déportés.
LA NOURRITURE DANS LE CAMP
La nourriture était comme à l'accoutumée très mauvaise et surtout très pauvre en calorie en regard du travail exigé aux déportés, elle était composée d'un pain pour 5 jours et par personne, un petit carré de margarine et un morceau de saucisson.
Un pot en terre cuite de couleur brune émaillé servait à recevoir la nourriture journalière et une cuillère que le déporté devait ajuster à la forme particulière de celui-ci afin de pouvoir atteindre le fond du pot.
Nous n'avions pas d'autres ustensiles de cuisine pour notre nourriture qu'une simple cuillère à soupe, le soir, le déporté recevait une soupe très liquide et très peu consistante, composée de légumes non lavés.
Le dimanche était une journée exceptionnelle, on recevait trois ou quatre pommes de terre en “ chemise ” non lavée et pas très fraîche, une odeur désagréable s'en dégageait, les pommes de terre étaient accompagnées avec une viande froide composée de gélatine, de sciure et d'autres ingrédients inconnus, l'ensemble était comprimé comme une galette, cette viande était assez granuleuse et pas très agréable au palais.
Pour nous remettre de nos émotions, il y avait, le dessert composé d'une petite louche de pudding translucide et très légèrement sucré, ce “dessert” était distribué en même temps que le plat consistant et comme nous ne possédions pas de récipients pour l'accueillir, il était déposé directement sur les pommes de terre en chemise, bon appétit!
L'HYGIÈNE
En ce qui concerne l'hygiène dans le camp, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle ne régnait pas en maître, la possibilité de nous laver était rare et il en était de même pour nos vêtements, les animaux nuisibles grouillaient sur notre corps, pour le nettoyage de notre baraquement, nous avions un balai qui était utilisé aussi bien pour le sol que pour les tables.
Nos tenues de travail étaient composées d'une veste et d'un pantalon avec une corde autour de la taille en guise de ceinture et pas de sous-vêtements bien évidemment, les chaussures étaient en bois et elles étaient recouverte d'un simili, nous n'avions pas de chaussettes.
Le fait de ce retrouver comme un prisonnier, maltraité, mal nourri, incorrectement habillé et subissant des brimades, astreintes à des travaux pénibles, nous n'avions plus de dignité, nous étions devenus des sous-hommes.
MON PREMIER CONTACT AVEC LE MONDE SOUTERRAIN
Notre premier contact dans la mine a été pour nous une désagréable surprise.
Nous étions tous très bouleversés, on descendait dans la mine par un ascenseur jusqu'à une profondeur de 500 mètres environ.
Une fois arrivée en bas, nous nous retrouvions en face d'une galerie que nous devions traverser sur une longueur de 200 mètres, enfin nous débouchions sur une immense salle remplie de machines.
LES RELATIONS DANS LA MINE
Nous n'avions jamais eux de contacts difficiles avec les SS, en fait, ils ne nous adressaient pas la parole, par contre les collaborateurs de la firme, des nazis convaincus, nous traitaient avec la plus grande sévérité.
La brutalité était habituelle dans le monde souterrain de la mine Marie, la plupart des femmes déportées subissaient en permanence des mauvais traitements, elles étaient toutes de mauvaises constitutions, la peau sur les os.
Lorsque nous commencions notre travail avec l'équipe du matin, au fond de la mine à cinq cents mètres de profondeur, à l'ouverture des portes de l'ascenseur, nous étions accueillis par les chants de plusieurs centaines de femmes déportées alignées en face de nous.
Elles étaient de toutes nationalités et à notre vue, elles commençaient à entonner une chanson allemande “in meine Heimat, ces déportées avaient travaillé toute la nuit, fatiguées elles remontaient en surface dans leurs baraquements, ces chants ne plaisaient évidemment pas aux femmes SS et les coups de cravache s'abattaient comme une pluie sur les frêles épaules de ces femmes courageuses.
Nous étions tous émus par tant de courage et cela nous donnaient la force de survivre dans cet univers souterrain impitoyable de la mine Marie, dans la rubrique “témoignages”, vous trouverez des récits poignants de ces femmes courageuses.
LES KAPOS
Les problèmes de santé étaient nombreux et variés, le travail était soutenu et la production prenait tout son sens, chaque “ esclave ” devait produire un nombre de pièces par jour, ce nombre était déterminé par la firme elle-même, si le chiffre n'était pas atteint, “l'esclave ” subissait les représailles des Kapos.
En fait, il s'agissait d'un déporté qui avait été choisi par les SS, il avait la possibilité de recevoir les restes de nourritures des SS et quelques petits privilèges supplémentaires.
Dans un commando de travail, il y avait un nombre important de différentes nationalités, les SS choisissaient toujours des déportés de nationalités minoritaires et antagonistes pour en faire des kapos.
Le kapo ne pouvait donc plus dormir dans la même chambre que ses “anciens” condisciples, le risque qu'il se fasse tuer pendant son sommeil était grand, mais sa situation était plus confortable, il pouvait recevoir les restes de nourriture des SS.
Lors de la libération du camp, un grand nombre de kapos ont été massacrés par les déportés, à ce moment-là, il n'y avait pas de pitié, après avoir subi pendant plusieurs années des sévices et des mauvais traitements, une fois ceux-ci sans protection, leurs sorts étaient scellés.
LE REVIER
Les premiers jours, moi et mes camarades d'infortunes, nous n'étions pas bien dans notre peau, j'éprouvais des difficultés respiratoires lors de ma descente au fond de la mine, plus précisément un sentiment d'étouffement.
C'était probablement dû à la mauvaise aération des locaux, il y avait pourtant un système de ventilation, mais avec le nombre de machines en fonctionnement et les centaines de déportés, l'ensemble dans un endroit confiné, j'éprouvais toujours un manque d'oxygène.
L'élévation de la température dans la mine était un problème important et elle avait une incidence sur la structure de la voûte, en effet la roche perdait son humidité naturelle et elle devenait plus friable, les incidents étaient nombreux dans la mine, les déportés ne pouvaient pas compter sur un dispensaire, il y avait bien un civil allemand qui faisait office d'infirmier, mais il n'avait pas les aptitudes pour donner une couverture médicale aux déportés.
Un compatriote belge s'était fait prendre suite à une tentative d'évasion, il avait été battu copieusement, son corps était couvert par d'innombrables plaies, quelques jours plus tard en raison du manque d'hygiène, il avait contracté une infection généralisée.
Le “médecin” le soignait avec une pommade colorée qui ressemblait à un pot de peinture, en guise de pansement, une sorte de papier de toilette, cet homme est malheureusement décédé après une longue agonie comme beaucoup d'autres d'ailleurs.
La production de pièces était souvent ralentie par des malfaçons involontaires, mais aussi par de petits sabotages de la part des déportés eux-mêmes, le risque de représailles était important et cela pouvait signifier la mort, pendant toute l'année 1944, de nombreux convois de prisonniers sont arrivés dans le camp, des femmes, mais aussi des hommes de toutes nationalités.
J'ai observé un jour, un arrivage de déportées venant de Varsovie, ces femmes portaient encore leurs habits civils lors de leurs arrestations, leurs cheveux avaient été immédiatement coupés en position debout et une croix avait été peinte sur l'avant et l'arrière de leurs vêtements.
Le nombre de ces femmes était particulièrement important, je les avais évalués à un millier de personnes, de jeunes femmes, mais aussi beaucoup de femmes âgées, la souffrance pouvait se lire sur leurs visages, je me rappelle que je m'étais endormi complètement assommé par le travail de la veille, j'avais été réveillé brutalement par les gardes SS.
Ils cherchaient une déportée polonaise et sa fille, elles venaient probablement de s'évader du camp, quelques jours plus tard, j'ai appris que cette malheureuse et sa fille avaient été pendues pour l'exemple, dans notre camp, nous étions environ une vingtaine de déportés belges.
Pendant toute ma détention, nous avions eux beaucoup de chance de ne pas avoir subi un bombardement sur le site de la mine et surtout sur nos abris bétonnés, comme je l'avais écrit plus haut, certains des bunkers servaient d'entrepôt de munitions.
LA LIBÉRATION DU CAMP
Aux environs du mois d'avril 1945, les Américains se trouvaient à quelques kilomètres de notre camp et malheureusement, les SS décidèrent alors l'évacuation des déportés masculin et féminin, ce transfert a été une véritable tragédie et de nombreuses personnes sont mortes lors de cette action.
Dans la mine, le pire pouvait côtoyer le meilleur, les relations entre les déportés et le personnel civil allemand s'étaient améliorées, la petite communauté belge avait profité d'une indiscrétion de la part de mon chef de groupe (un nazi convaincu), il m'avait fait clairement comprendre de ne plus me présenter à la mine dans les jours qui suivent en nous faisant bien sentir des conséquences qui en découleraient.
Après une rapide concertation entre nous et du chaos ambiant, nous avons eu l'occasion de nous cacher dans un petit théâtre de village à Morsleben,cela nous a permis d'éviter une déportation supplémentaire.
Récemment en prenant connaissance d'archive allemande qui avait été envoyée gracieusement par le conservateur actuel du camp de concentration de Beenforf, j'ai mieux compris le sens à donner concernant l'indiscrétion de l'époque de mon chef de groupe, la mine devait être détruite avec tous les déportés(e)s à l'intérieur de celle-ci.
Heureusement, l'ordre n'avait pas été exécuté et c'est dans ce théâtre que nous avons été libérés par l'armée américaine, après une rapide concertation de notre groupe, nous avons décidé de rentrer par nos propres moyens en Belgique (23 avril 1945).
LE RETOUR EN BELGIQUE
Notre groupe comprenait une quinzaine de Belges et un russe, il nous avait été très utile dans la suite de notre aventure, nous avions besoin d'une personne capable de conduire un tracteur que nous avions repéré dans une ferme des environs.
Nous avions donc décidé de “réquisitionner” ce tracteur agricole ainsi que deux petites remorques en usant de persuasion auprès de l'agriculteur, nous avions un pistolet.
Comme le réservoir du tracteur était vide, nous avions fait le plein avec des bidons qui avaient été entreposés dans une grange, dans notre hâte, nous nous sommes trompés de bidons, certains de ceux-ci contenaient de l'huile, heureusement le moteur avait continué de fonctionner et cela n'a pas eu d'incidence sur la suite du voyage.
Sur ordre de l'armée américaine, nous devions emprunter les routes secondaires et en aucun cas les routes principales, ce qui pour notre convoi hétéroclite augmentait fortement le danger, les routes secondaires étaient souvent minées et les petits chemins n'était pas très rassurants, après quelques jours nous sommes tombés sur un dépôt de nourriture en grande partie pillé par des prisonniers français.
Nous avions récupéré que quelques boîtes de conserve de légumes, dans cette période difficile, cela représentait un véritable rayon de soleil dans cette misère sans fin, comme nous ne possédions aucune carte et pour compliquer encore plus la situation, tous les poteaux indicateurs avaient été enlevés ou cassés, le seul moyen de poursuivre notre route en direction de la Belgique, c'était de demander à la population locale notre chemin.
Une nuit, nous nous étions arrêtés dans une immense ferme pour nous reposer, elle était occupée par une personne âgée qui nous avait offert un verre de lait chaud, le premier verre de lait depuis deux ans!
Son champ était rempli de chars de combat allemands et Américains, ils étaient tous hors d'usages, la bataille avait dû être terrible, nous nous étions remis en route le lendemain sous une pluie battante, après une semaine de voyage sur la plateforme du tracteur, nous avions atteint le Rhin.
De là, nous avons été guidés par l'armée américaine vers un immense hangar où il y avaient beaucoup de déportés belges, les américains nous avaient donné du savon et bonne dose de DTT en guise de douche, ce qui nous a permis de nous débarrasser des puces et des poux.
En récompense, nous avons reçu des biscuits de soldats, le lendemain les Américains nous ont installés dans des camions militaires, les Américains avaient construit un pont flottant afin de pouvoir traverser le Rhin au sec, le convoi était très important et comptaient plusieurs dizaines de camions.
Notre voyage s'était terminé devant une gare et les Américains nous ont ensuite placés dans un train en direction de la Belgique.
LA GARE DES GUILLEMINS A LIÈGE
Nous sommes arrivés en pleine nuit à Liège à la gare des Guillemin, le comité d'accueil était représenté par des résistants armés de fusils, nous avons traversé en colonne la ville de Liège pour finalement atteindre une école.
Le lendemain matin, nous avons été obligés de décliner nos identités sans bien sûr pouvoir ne fournir aucun document officiel, une fois les formalités accomplies, ils nous ont donné un bol de soupe et des tartines.
Après le petit déjeuner, les résistants nous ont installés dans des camions en direction de la gare des Guillemin, une fois sur place et avec l'aide des tickets que nous avions reçue précédemment, nous avons pris le train en direction de la gare du Nord à Bruxelles.
Mon périple touchait presque à sa fin, en effet il ne me restait plus qu'à prendre le tram en direction d'Anderlecht, dernière péripétie, le receveur voulait me faire descendre du tram parce que je n'avais pas de ticket de transport, je n'avais évidemment pas d'argent sur moi et c'est finalement une dame qui m'offrit le précieux sésame.
LES RETROUVAILLES AVEC MA MAMAN
Ma maman avait déménagé de la dernière adresse que je connaissais en raison de destruction à son habitation suite à un bombardement.
Deux longues années s'étaient écoulées, comme mes grands-parents habitaient à proximité, ils me donnèrent la nouvelle adresse de ma maman.
Après avoir sonné à sa porte, elle ouvrit la porte et me demanda “puis-je vous aider monsieur”, elle ne m'avait pas reconnu.
Après m'être présenté, nous sommes tombés dans les bras l'un de l'autre, deux années de captivités, de privations et de souffrance vous change un homme.
Pour moi, la guerre était réellement finie, nous étions le 2 mai 1945, j'avais 22 ans.
LES SÉQUELLES DE LA GUERRE
Mon poids corporel était descendu en dessous de 54 kilogrammes pour une taille de 1,78 mètre, de plus j'avais un début de tuberculose, en raison d'une mauvaise alimentation et d'une infection généralisée, le dentiste a dû procéder à l'ablation de toute ma dentition.
J'ai souffert d'une colite intestinale suite au stress et une cicatrice sur mon bras gauche par une bombe au phosphore, suite à ces problèmes, j'ai été dans l'incapacité de travailler pendant une période de 18 mois environ, de plus j'ai gardé très longtemps des séquelles psychologiques en raison du stress permanent.